Expressions locales
Expressions locales
Le Frônçais a beau trouver que le Québécois fait usage d'un langage coloré et, clame-t-il souvent, indéchiffrable, j'ai parfois, moi, quelque peine à le comprendre, lui.
Voici donc, en guise de préparation linguistique à votre prochaine visite en Frônce, un court lexique d'expressions couramment utilisées par les ados des banlieues, toujours très chics dans leurs survêtements de sport blancs.
BALLE (c'est de la): Exprime l'enthousiasme, quelque chose de bien, de beau, de positif. « Cette meuf, c'est de la balle. » (Je ne suis pas insensible aux charmes de la demoiselle que voilà.)
BOUFFON: Qui ne s'apparente pas au clan. « Nique lui sa race à ce bouffon! » (Rabat son caquet à cet individu qui ne s'apparente pas au clan!)
CAROTTE: Du verbe carotter (extorquer, voler), mais dans une forme invariable. « Il m'a carotte un zedou de teuchi, l'bâtard, tu vas voir comment je vais le niquer. » (Le scélérat m'a dérobé douze grammes de cannabis, il va s'en mordre les doigts.)
CHELOU: Bizarre, inhabituel. Par extension, qui ne s'apparente pas au clan. « La prof d'anglais elle a des veuch tout chelous. » (Ce n'est pas tous les jours que l'on voit une coupe de cheveux aussi inhabituelle et cocasse que celle de la professeure d'anglais, qui par extension ne s'apparente pas au clan.)
COMMENT: Exprime l'intensité. « Comment je lui ai niqué sa race à ce bouffon! » (Je sors indéniablement vainqueur du combat qui m'a opposé à cet individu qui ne s'apparente pas au clan, ceci dit en toute modestie, s'entend, et avec la sportivité qui s'impose en de pareilles circonstances.)
FONCEDÉ: Se dit d'une personne qui vient de consommer du cannabis. « Je suis foncedé. » (Mon regard est vitreux, je perds mes mots, un mince filet de bave s'écoule sur mon menton et je rigole comme un décérébré sans aucune raison. J'ai payé assez cher pour me mettre dans cet état. Bref: je viens de consommer du cannabis.)
GUN: Arme à feu. « Zyva prête moi ton gun, l'aut'batârd il m'a manqué de respect. » (Pourrais-tu s'il te plaît me prêter ton arme à feu, afin que je règle son compte à l'importun qui n'a été qu'à moitié urbain à mon égard.)
KIFFER: Apprécier. « Comment je kiffe trop son cul. » (Le sien postérieur n'est pas sans éveiller chez moi quelque pulsion bien naturelle, qui me met dans une humeur joviale, pour ne pas dire gauloise.)
MORTEL [invariable]: Bien, beau, dont on peut se réjouir. « Elles sont trop mortel tes Nike. » (Vos chausses s'entendraient fort bien avec mes pieds, aussi vous demanderai-je de m'en faire offrande sans opposer de résistance.)
MITO: Mensonge. Dérivé de mythomane. « On me fait pas des mitos à moi, bouffon! » (Je ne suis pas le genre de crédule à qui vous ferez gober vos sornettes, individu qui ne s'apparente pas au clan!)
RACE (sa): Exprime le mécontentement. « Sa race! » (Je suis d'humeur maussade.) « Sa race, c'bouffon! » (Mon anneau pylorique est complètement fermé. C'est la résultante de la proximité de cet individu qui ne s'apparente pas au clan.)
SÉRIEUX: Indique que le propos est grave, solennel, et qu'il faut donc lui accorder le plus grand crédit. « Sérieux, j'kiffe trop son cul à votre fille! » (Monsieur, j'ai l'honneur de vous demander la main de votre fille.)
TÈJ: Jeter, refuser, réfuter, envoyer promener. « T'aurais vu comment Djamel il a tèj la prof d'anglais! » (Le facétieux Djamel ne s'est pas laissé démonter face aux réprimandes de la professeure d'anglais!)
TROP: Exprime l'intensité. Synonyme de « comment ». Trop et comment peuvent éventuellement cohabiter dans la même phrase pour exprimer une intensité très élevée. « Trop la honte, ce blouson. » (Ce blouson est ridicule, et dans des proportions considérables.) « Trop comment je suis foncedé! » (J'ai fumé une quantité déraisonnable de cannabis et je crains que mon acuité intellectuelle en pâtisse pour la paire d'heures à venir.)
TRUC-DE-OUF: Désigne une chose peu commune, qui dépasse l'entendement. « C'est un truc de ouf! » (Mon dieu, mon entendement est tout dépassé!)
ZYVA: Indique que la demande est pressante. « Zyva, fais méfu, sale chacal. » (Ne sois donc pas si avare de ta cigarette purgative, et fais-en profiter ton vieil ami qui trépigne d'impatience.)
jeudi 8 août 2002